La parole à... Yves Trocheris

« Nul n’est curé de Saint-Eustache s’il n’est fou ». Dans son ouvrage Journal d’un curé de ville  mon prédécesseur, le P. Gérard Bénéteau, reprend un adage qui circulait  à Paris au XVIIIème siècle et il est vrai que cet endroit offre bien des défis à relever qui rendent la mission si enthousiasmante.

 

L’église Saint-Eustache est sertie dans l’ancien quartier des Halles, le bouillonnant  « ventre » de Paris qui n’a cessé de se réinventer au cours des siècles. Et au moment même où sont écrites ces lignes,  le cœur de Paris continue de connaître des mutations dont nul ne peut  dire comment elles infléchiront l’avenir des arrondissements du centre.

 

Avant tout on ne peut qu’être sensible à tous les flux qui constituent l’environnement de Saint-Eustache et exigent une réelle attention : sous le sol même de l’église, ce sont des centaines de milliers de gens qui transitent dans la plus grande salle d’échange d’Europe, la gare de Châtelet–Les Halles. En surface, au dehors et autour, de l’église le flot vivant et dense des résidents, passants, touristes et autres professionnels travaillant dans le quartier. La question se pose et se repose sans cesse : comment être présent à toute cette vie ?

 

Dans cette zone toute en mutations et en mouvement, Saint-Eustache peut faire figure de point de repère ou d’oasis. C’est en tout cas le vœu de l’assemblée qui l’habite que cette église soit accueillante à tous et toutes. D’où le soin porté à ce bâtiment qui se veut comme une « maison commune ».  Importance du bâtiment, par sa situation : Saint-Eustache s’élève au milieu d’une ligne unique au monde, de musées et de fondations d’art (Le Louvre, la future Fondation Cartier, la Fondation Pinault, le Centre Georges Pompidou). 

 

Saint-Eustache, église et communauté vivante, se veut un symbole qui invite chacun à s’ouvrir à la question du sens. Un sens à découvrir non seulement à travers l’émerveillement  devant la beauté du bâtiment et le geste architectural dans lequel il s’inscrit, mais aussi devant  les nombreuses et diverses œuvres ou  propositions artistiques (permanentes ou ponctuelles) présentes dans l’enceinte du bâtiment, avec cette force enfin que le grand orgue donne à la présence de la musique à Saint-Eustache. Sens à découvrir aussi à travers le quotidien d’une vie paroissiale faite de rendez-vous liturgiques, d’une attention marquée à autrui, d’ouverture à la rencontre, de réflexions partagée.

 

Aujourd’hui et avec le soutien de la Fondation Avenir du Patrimoine à Paris, nous portons plusieurs projets pour Saint-Eustache. Ces projets sont urgents et ils concernent le grand orgue (l’un des orgues les plus importants d’Europe), les chaises, et une nouvelle mise en lumière de l’église qui devrait enrichir tant les grandes liturgies qui y sont célébrées que l’exposition des multiples œuvres d’art qui y sont contenues (Santi di Tito, Luca Giordano, Rubens, Simon Vouet, Coysevox, Pigalle, … ).

 

Ce printemps 2020 restera dans l’histoire comme une sorte de suspension du temps pour cause de pandémie. Déserté quelques semaines, le centre de Paris reprend vie. Mais peut être pas tout à fait comme avant. C’est dire combien la question du sens n’en finit pas de se renouveler. Enracinée dans la longue histoire de Paris, Saint-Eustache entend bien y faire droit avec enthousiasme et au présent : des pierres qui marchent au rythme de notre histoire humaine…