Sauvegarder l’église Saint-Pierre de Chaillot

La beauté. Comment sommes-nous portés par elle ? Portés par elle et en elle ; en elle et au-delà d’elle. En nous-mêmes et au-delà de nous-mêmes, dans un concert de voix et le souffle de nos émotions, un florilège de couleurs et un abîme de tremblements. C’est la musique d’ici qui se mêle à celle des sphères, et la lumière sans jour qui se mélange à celle que l’on voit, sans confusion.

Toujours la beauté a été reconnue comme un trait divin. Un trait d’union entre ciel et terre.

Et la part que le christianisme a pris à l’activité à la fois artistique et artisanale est quasi ininterrompue au long des siècles.

On se bouscule pour voir le Salvator Mundi de Léonard au Louvres et l’on se désole universellement sur l’inestimable perte de Notre-Dame de Paris. Occident et Orient :  les chefs d’oeuvres des monastères athonites et des grands monastères orthodoxes de Sainte-Catherine au Sinaï, de Saint-Jean à Patmos.

Parmi les beaux ouvrages de Paris, figure l’église Saint-Pierre de Chaillot. Son architecture (conception Émile Bois) impressionne tous ceux qui y entrent. Les vitraux des frères Mauméjan, les très larges peintures murales d’Untersteller, le programme sculptural de Bouchard (le tympan extérieur et la statuaire intérieure), tout ce trésor culturel et artistique parle encore. Il nous parle. De nous, et de ceux qui sont habités par la beauté. Il nous parle de la Source de la beauté et nous permet de la rejoindre. Il ne faut pas laisser ce patrimoine se perdre. C’est pourquoi, j’ai cherché, dès mon arrivée à Saint-Pierre de Chaillot, avec le concours de toute la paroisse, à magnifier ce capital artistique pour la plus grande joie de tous et de toutes, habitants du quartier, parisiens et visiteurs du monde entier. 

« Soutenir le fonds de souscription qui permettra de financer la restauration de l’église Saint-Pierre de Chaillot, c’est assurément faire œuvre utile »

Non seulement comme paroissien qui, à ce titre, mérite d’exercer sa foi dans un site digne et accueillant, mais aussi comme habitant du 16^e et parisien qui n’ignore pas la valeur patrimoniale de cet édifice unique à Paris.

Je ne peux donc que soutenir cette initiative bienvenue et encourager le plus grand nombre à y participer.

Déposée en 2012, la baie 104 dans le chœur, enfin restaurée, sera reposée courant juillet. Aux principales altérations, visibles à l’œil nu : encrassement, défaut d’étanchéité, lacunes provoquées par des tirs à la carabine, s’ajoutent des difficultés liées à la technique particulière des frères Charles et Joseph Mauméjean (verres d’épaisseur et de technique très variées, calfeutrement en ciment) : restaurer une verrière de 6,21 m de haut sur 1 m de large est un gros chantier qui nécessite du temps, outre celui de l’Administration, et un budget (40.000 € TTC) conséquent.

L’atelier Vitrail France, au Mans, a remporté l’appel d’offre sur trois critères : mémoire technique, expérience et prix. Jessica Degain, conservatrice du Patrimoine à la Ville de Paris, a suivi le chantier où trois corps de métier interviennent : maître verrier, serrurier et maçon. La restauration expérimentale est menée en partenariat avec le Laboratoire de Recherches des Monuments Historiques (qui dépend du Ministère de la Culture) : Tests puis nettoyage, remplacement des plombs les plus abîmés, création d’un cadre de plombs supplémentaire pour consolider les panneaux dont l’épaisseur des verres varie de 3 à 4 mm pour les bleus et verts, à 10 ou 20 mm pour les superbes « rouges au sélénium » ; remplacement de celles qui manquent par une pièce neuve dûment poinçonnée et datée (pour suivre l’historique des interventions). La finition, patine à froid sur la face extérieure, se fait sur place après la repose. L’installation d’une verrière de doublage garantira une parfaite protection de l’œuvre Art Déco.

Quelle joie d’admirer de nouveau pleinement la lumière orchestrée par les Mauméjean : « l’orgie de couleurs » des oculi du transept qui soulignent « la grande sérénité de composition et de teintes solaires de tous les autres vitraux », spécialement ceux du chœur dont ils voulaient faire le « clou d’art » de Saint-Pierre de Chaillot : splendeur !

[Le « clou d’art » des Mauméjean. Paru dans Les Nouvelles de Chaillot, n° 174, été 2015, p. 6, Échos de Chaillot, 1.985 s.]